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2 mai 2008

La photographie contemporaine

« Sur la photographie contemporaine » Marc Tamiser

Introduction :

   Le philosophe Marc Tamisier apporte une thèse « sur la photographie contemporaine ». En effet, quels sont les problèmes posés par l’arrivé du numérique et comment ils recréaient une forme de réalisme. IL évite toutefois l’opposition directe de l’argentique-numérique. Il montre le cheminement de la disparition du photographique, a l’effacement des frontières du visible. Il part de l’exemple de Keith Cottingham, ajoutant Orlan, Nicole Tran Ba Vang, évoquant clairement la mutation du corps et de l’identité pour ensuite passer au travail de Patrick Tosani et Thomas Struth qui font la différence entre le corps photographié et l’objet photo qui va devenir insignifiant et plus que le dépassement des limites du visibles et une vision devenu normalisé en concluant avec des artistes comme sophie Ristelhueber

I La mutation du photographique

Le philosophe commence sa thèse en évoquant l’arrivée du numérique reposant les questions sur  la temporalité et la réalité. On aurait tendance à penser que le nouveau va remplacer l’ancien cependant ce qui pose problème c’est la vision nouvelle que ce médium apporte. Avec l’argentique il y a un trait temporel qui donnent aux photographies leur graphie spécifique. Tous les ponts de l’image, ses grains, la définissent selon leurs proximités et leurs écarts, et ne peuvent être considérés les uns des autres séparément aux contraires des pixels modifiables. Une photographie est un peu comme un phénomène spatio-temporel dont la durée se représente par sa propre graphie. Cependant, la matrice numérique est virtuelle et n’existe que pour être actualisée. N’est-elle plus qu’une habitude visuelle qui fait croire à la réalité ? La plastique photographie est maintenue au présent comme l’actualisation de l’idée photographique.

    Le fait que le numérique soit une mutation technique va provoquer également grâce aux logiciels la transformation de l’image et du corps-objet. Le corps contemporain à la recherche instable de son identité  se définissait par une originalité, une marque éthique qui maintenant entre dans un devenir objet qui remet en question cette éthique du visage. La réalité ici, n’est plus que le simple rapport à l’image, l’identification banale que l’on peut se faire à l’humain comme principe de reconnaissance de soi et d’autrui.  L’auteur utilise l’exemple de l’artiste Keith Conttingham pour commencer son propos. Ce dernier réalise des portraits fictifs. Ainsi l’identité est questionnée puisque l’artiste s’empreint d’une certaine réalité tout de même, peut-on dire qu’il créait des non-être, il donne l’illusion de la réalité. Ces jeux numériques est un détournement de notre vision. La logique de l’œuvre n’est plus alors son apparition mais son actualisation. Les images de Cottingham remettent en cause toutes les frontières entre les arts puisqu’elles ne sont plus que des sculptures ou des photos dont le processus consiste à la dématérialisation. L’artiste cherche par ces portraits à ne faire qu’un entre l’âme et le corps. L’identité du moi et le corps sont donc comme une interface entre deux réalités sociales, l’une intérieure, l’autre extérieure. Entre eux se joue cette fluidité qui place l’autre en moi, l’adulte dans l’adolescent par exemple. L’artiste dit : « Les Portraits fictifs » utilisent le mythe du réalisme pour défier les notions modernistes de l’identité. Les séries démontrent, que le moi ne naît pas du seul dialogue intérieur. Au contraire, le cœur véritable de la personne dépend du corps »

fict_processGFXServlet

Ces images exposent ainsi une réalité toujours en crise, toujours en mouvement comme le statut de ces photographies qui n’en sont pas car l’identité corporelle est seulement virtuelle, un concept flou qui s’évanouirait à la moindre tentative de prise photographique. On peut dire que ce sont des effets photographiques plutôt que des photographies. L’artiste n’as plus commis une image mais a imagé. Ce nouveau réalisme est donc d’ordre social, l’image n’a  plus sa propre spécificité.

    Toutefois, le philosophe évoque ce genre d’image en rapport avec l’identification en les confrontant avec les travaux de Claude Cahun et Cindy Sherman qui par des mises en scènes et déguisements se photographient dans des contextes divers. Les autoportraits de Cahun travestie regardent avec un air assuré et fiers l’objectif de l’appareil tandis que Sherman avec la série « untitled » met en œuvre un monde plus solide que toute les réalités. Chaque scène n’est plus qu’un moment un instant sauvé où le personnage se tient dans bribes de personnages fictifs, emplies de hors-champ qui suturent sa chair mise à vif. La photographie devient ici la manifestation d’un lieu inventé attaché entre décomposition et composition visuelle, à la dislocation du corps et des objets  où le regard de la personne cherche à nous monter sa vision du monde. La photographie est donc un instant éphémère et à la fois la référence unique pour l’identité dans le chaos. Elle devient autonome. Chez Cahun on participe à la construction de la personne et du monde, à la revendication d’identité plus riche que l’identité conventionnelle en abolissant les frontières entre réalité et surréalité. Elles ont le poids de l’être malgré qu’il n’y ait pas de réalisme. Il en va ici une démarche contradictoire, le secours de la photographie devient l’affirmation de sa ruine car dans sa construction elle est minée par sa propre déconstruction.

claude_cahun(Cahun)

cindysherman3( C.Sherman)

   Par ailleurs, pour affirmer le corps-objet nu sans travestissement comme on vient de le voir et ce qu’il remet en question avec la photographie, le philosophe cite alors l’exemple d’Orlan. En effet, l’artiste commence très jeune des séries de nus affirmant son corps de femme objet et hybride. Masquée, l’identification devient universelle. Cependant ce sont ces performances lors des opérations chirurgicales et les traces qu’elle y laisse par le biais de ces vidéos et photographies que le corps modifiés tend vers l’être hybride. Orlan ne se commet plus en photographies, elle produit des images photographiques. Le but de ces images n’est pas d’informer  sur ce qu’à fait l’artiste mais sont des matières de l’œuvre refondé par son monde. Le corps n’est ni donnée par les usages sociaux et culturels, ni par l’identification.  Il est recréé par l’acte de l’artiste et ses traces.  Doit-on dire que la performance de l’artiste féministe est l’œuvre et que les photos ne sont que le simple supplément de communication ? Ou à l’inverse une virtualité occasionnelle de l’imagerie photographique ? L’artiste cherche à rendre autonome de la chair ses photos afin d’affirmer son corps comme pur objet. Ainsi la photographie avec la performance  vacille entre une œuvre sans corps, déployée selon la seule spatio-temporalité des images et un corps sans œuvre, trahi dès l’exposition photographique. Elles ne sont pas tout à fait des documents, pas tout à fait des œuvres. Vers la fin de sa vie, Orlan va rejoindre le travail de Cottingham en hybridant son corps par le numérique soit l’effet photographique. Elle reprend des codes culturels africain ou spécifiques faisant que l’hybride ne vient plus du croisement des espèces mais plus que seulement des manipulations artistiques où il n’y à plus de limites dans la technologie. Malgré que le réalisme soit désillusionné il devient une vision banale et conventionnelle. L’artiste qui questionne sur la beauté reprend donc des images culturelles pour les renvoyaient à leur imaginaire fictif. Autrement dit, l’effet photographique et son réalisme  ne peut pas être une référence si celui-ci n’as pas été vu comme réel. Le mythe de la photographie réaliste doit fonctionner pour que la vision réaliste puisse être hybridée. Orlan et Cottingham affirme et critique à la fois le réalisme photographique. Ce dernier est comparé à la beauté comme principe d’identification et de bases conventionnels mettant en avant l’hybridation.

_Orlan_6P Orlan

    Pour poursuivre, sur l’idée de beauté, des normes que le monde a conditionner à notre vision Marc Tamisier évoque la photographie comme moyen de mise en abime du soi, le corps est un spectacle pour s’affirmer au travers des objets du monde. La photographie de Nicole Tran Ba Vang nous force à assumer le fétichisme de son corps-image, le spectateur ne peut regarder l’autre, ni lui même comme un spectacle. Notre vision est entièrement une convention personnelle, avec des mythes et des modèles. L’artiste utilise l’effet numérique pour critiquer le monde de la mode. Le vêtement et le corps nu n’est plus qu’un. Elle créait un vêtement peau empêchant toute fuite vers une mythologie  des conventions de la mode en une croyance en leur réalité. Cependant, l’effet photographique est trop normalisé, du coup la vision de l’être et du paraître est en un sens protégé et mieux accepté par le regardeur.

tran_ban_vang

      

II L’identification sans l’effet photographique : mise en avant de l’objet photographique

   Auparavant, l’objet photographique était pris en compte dans une certaine réalité. En se référant au travail de Patrick Tosani l’auteur remarque que l’objet photographique n’a plus rien avoir avec l’objet photographié.  Au contraire, l’objet nait de sa réalisation de ces procédures photographiques. De sa réalité il ne reste qu’une vague notion d’objet en général, dont les particularités ne sont définies que par les images qui les représentent. En effet, l’artiste met en scène des objets du quotidien en rapport souvent au corps, laissant une trace d’identification et de mystère.  «  Le temps distendu de l’architecture jouent ensemble devant le photographe autant que le regardeur. » La recherche spatiale est devenue une affirmation temporelle. L’espace et l’échelle des dimensions constituent une condition de l’acte photographique lui-même. L’artiste  a un travail varié, il prend en photo des fausses pluies, des glaçons où sont incrusté des personnages, des masses de vêtements, de objets errant, des séries de masques, de chaussures avec du lait dedans, des situations d’objets comme une expérimentation photographique qui va à l’encontre de la réalité créant un ailleurs mis en forme par les choses banales et du quotidien . Il n’y a aucune nostalgie d’une réalité perdue dans ces images.  Pour l’artiste : « l’image photographique produit une telle réduction des sensations, un tel rejet de l’appréhension tactile, notamment, que le travail ne peut pas se situer dans le registre de la satisfaction sensorielle. Il faut chercher ailleurs, sans vouloir compenser la frustration initiale par des effets de séduction de type picturale. » En fait, la présence même de l’image comble le réel absent malgré la suppression des strates temporelles. L’image laisse à la réalité son réel, mais en même temps elle pose celle-ci comme une surface dont les objets n’ont pas de profondeurs. La photographie a deux faces, c’est l’image d’un objet, puis un objet photographique. D’autre part, c’est en démesurant la taille de ces objets du quotidien qu’il met en avant l’impact sensoriel de la photographie chez le regardeur. Le choix du grand format n’est pas un hasard mais la volonté de mettre en avant des objets banals par leur présence. Les objets s’imposent et prennent sens. En abolissant les frontières l’artiste fait de la photographie une chose mentale, onirique venant de la réalité s’éprouvant physiquement, le corps affronte l’image comme un travail de l’espace optique.

   Cet affrontement,  et expérimentation de la photographie est accentué par l’installation des photographie et de leur expositions. L’ouverture de la photographie dans un lieu précis affirme la photographie comme pure objet ou matière.

   L’œuvre photographique est alors au delà de son propre objet l’expérience de nouvelles sensations par la couleur ce qui en effet  a été avec le noir et blanc une nouvelle étape dans la photographie contemporaine. Les vues muséales de Thomas Struth  ne remplissent pas des surfaces mais structurent entièrement des surfaces chromatiques. Les objets ne sont plus que des lieux de luminosité mis en relief. La photographie contemporaine est fortement marquée par cette balance de lumière qui amplifie les conflits entre les saturations des teintes et maintient ainsi les couleurs dans une tension vives mais équilibrés. Toutes les couleurs de toutes les photographies ne sont pas équivalentes mais sont soumises à un  même écart de saturation, à un même équilibre de lumière de telle sorte que leur chromatisme constitue une dynamique de surface qui met en doute sur le sens de l’image comme pour les grands formats.

   Puis, la technologie va dépasser les limites de la photographie par le biais de l’image en mouvement. L’image fixe devient avec la vidéographie mouvante une ouverture dans un jeu de temporalité encore plus fort. L’auteur donne l’exemple de nuages qui bougent avec le vent. Si la camera est fixe la vision est photographique mais l’objet se déplace dans l’espace temps. Il faut donc  accepter l’ambiguïté impassable du mouvement et l’écran comme surface réalisant le mouvement. L’image fixe et l’image normale ne sont plus que deux images fixes d’une même vision, d’un écran en mouvement fixe.

III La vision contemporaine de la réalité

On vient de voir que l’objet photographique s’opposait en quelque sorte à la représentation où l’organisation de l’image doit obéir à son objet. On peut dire qu’aujourd’hui le spectateur se confronte à la photographie en tant qu’objet réel et concret remplaçant le réalisme de l’époque.

En reprenant, l’idée de réalité, on échappe pas au photoreportage et aux médias. Les informations et images qui conditionnent notre regard sur le monde et sur les événements paraissent ainsi comme pures objets de communication.  Sophie Ristelhueber prend le risque de créer des images de guerres exploitées par les médias. Cela questionne alors la réalité des événements. En quoi une image de guerre est-elle réel ? Cependant elle fige une blessure de l’histoire à jamais comme un objet présent. La photographie devient transparente par le poids de cette cicatrice passé, elle n’est plus qu’une trace de prise de vue mais la réalisation de son concept qui suit les traces du temps. Ses photographies évitent alors le témoignage le plus que possible même si notre regard est souvent à la recherche d’une nostalgie  ou d’une passion d’informations que de photographies elles-mêmes. Le savoir sur l’événement devient vite un problème superficiel car il ne peut épuiser les images de l’artiste. Il se trouve confronté à une surface sans foyer, à une composition et de points dispersés qui recouvre l’objectivité des témoignages. Autrement dit, la frontalité de ces images est un moment du temps de l’œuvre à la fois traces. Ce qui rend vraiment extraordinaire les photos de l’artiste c’est la naissance sans protocole défini, ni reproductible, ni normalisé des objets photographiques. Il n’y a pas clairement l’illustration d’un message sur le sens du monde malgré les interprétations symboliques. Elle prend des moments de guerre sans affirmer la volonté d’une réflexion sur ce qu’elle implique humainement.

Ainsi la photographie semble affliger un temps contemporain utilisant la photographie réaliste non comme des faits mais comme des empruntes de faits s’ouvrant à une narration photographique.

Conclusion :

La photographie contemporaine se base d’un réalisme photographique pour ensuite le détruire par le biais de l’effet photographique. La mutation du corps hybride en a été un exemple pour l’auteur. L’effet photographique devient une norme visuelle qui supprime toute perturbation cherché dans l’identification du corps-objet ou corps-spectacle. D’autre part elle remet en question l’objet photographique en partant de la réalité vers un ailleurs détournés s’éloignant du simple fait de représentation. Les moyens de détournements sont divers, différences d’échelles, couleurs, grands formats, mise en espace perturbant la vision banale et quotidienne. Cependant, la photographie devient contemporaine par sa soumission au temps présent, elle n’est plus une représentation mais le choix d’une vision, un point de vue.

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