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2 janvier 2008

FRANCIS BACON étude de logique de la sensation

paintingFrancisBacon_FigurewithMeat

Francis Bacon est l'un des peintres que je préfère. Voici une analyse de l'oeuvre de Deleuze parlant de l'art de Francis Bacon:

tryptik_1978tryptik_1

L’étude de Gilles Deleuze « logique de la sensation » présente différents aspects des œuvres de Francis Bacon expliquant ses figures et ses techniques comme moyen anti représentatif, anti figuratif. Dans une première partie, nous verrons que Bacon cherche à rendre visible la sensation. Ainsi chaque élément développé par le philosophe pourra dans une seconde partie se comparer à d’autres artistes connus dans l’histoire ou aujourd’hui.

    Au delà de l'étude d'un philosophe sur un peintre. Chaque aspect des tableaux de Bacon est abordé et sont ordonnés en suivant la logique de la sensation. En effet, divers éléments, divers thèmes viennent définir la sensation. Deleuze montre comment les figures de Bacon sont contre la figuration, pourquoi le corps est comme une viande, une tête animale ? Quelle est vraiment la définition de la sensation ? Pourquoi cette peinture est elle hystérique ? Quel est le but de faire des séries, des triptyques ? Quelles forces nous retrouvons et pourquoi ? Qu’est ce le diagramme ? Et enfin ce que nous apportent les couleurs ?

  Tout d’abord, Deleuze explique que l’artiste isole ces figures. Il délimite un rond, un ovale là où souvent le personnage est placé. Le but est de rendre une sorte de confrontation de la Figure dans le lieu, ou sur elle-même. Le rapport de la Figure avec son lieu isolant définit un fait : le fait est, ce qui a lieu. Ce cheminement lui permet donc de devenir juste une image et non une représentation. C’est donc une première explication qui démontre que Bacon est contre une certaine figuration. Pourquoi ? « La peinture n’a ni modèle à représenter, ni histoire à raconter » Ainsi, comme on le sait dans l’histoire  pour échapper au figuratif il ya soit l’abstraction soit comme bacon, l’extraction ou l’isolation. Le but alors est d’éliminer toute narration, tout ensemble de représentation afin de se contenter de ce qui est, de s’en tenir au fait comme une façon de neutraliser. Il traite alors, la figure comme le reste du tableau c'est-à-dire qu’il ni a ni profondeur, ni différence de lumières ou d’ombres. Ce n’est plus un paysage, ni un fond. Ce qui occupe le reste du tableau, ce sont des aplats de couleur vive uniforme et immobile. Ils structurent, spatialisent, ont la même place que la figure. Tout est au même plan. Chaque éléments neutres, isolés est mis en relation, en connexion comme pour y définir quelque chose, une sensation. Sensation qui n’est qu’augmentée par l’utilisation du flou, une façon de « détruire la netteté par la netteté » en déformant les rapports d’intensité entre les plans. Pour rendre contre de ces affirmations, on peut prendre l’exemple d’un autoportrait de 1973 ci-dessous. Il n’y a effectivement pas de perspective. Le sol plutôt lumineux a l’air de déséquilibrer tout l’espace du tableau, il est placé de façon à être presque verticale, il forme comme une courbe. Les aplats au fonds et la forme de la figure sont verticales, placés comme des éléments à part entière, présents un peu superposés, connectés mais surtout isolés. Le personnage ne fait absolument pas partie d’un espace. Il est présent sous une forme, flou, non reconnaissant, loin de la représentation alors que c’est pourtant un autoportrait. On remarque comment Bacon ici délimite ces éléments, comment ils les enferment. Tout d’abord par les aplats, il ne laisse pas de profondeur seulement de la matière mais aussi par des contours. Sous la chaussure de la figure il y a comme une ombre seulement elle apparaît ici comme quelque chose de tout aussi important, tout aussi présente que la chaussure elle-même, comme une matière aussi importante que la figure. L’ombre n’acquiert cette présence que parce qu’elle s’échappe du corps, elle est le corps qui s’est échappé par tel ou tel point localisé dans le contour. D’autre part si l’on observe la chaise que l’on reconnaît sous sa forme, on remarque qu’elle est à côté du personnage et non en dessous de façon à nouveau d’éliminer la profondeur. De plus, la chaise est ici placée comme élément de contour, de séparation. Pour finir sur « l’autoportrait » soit l’homme à la tête de porc, on remarque une déformation, comme si le corps faisait un effort sur lui-même, un effort statique, qui viendrait de l’intérieur voir de l’esprit mais retranscrit par le corps par un mouvement intense. Un mouvement statique, difformant alors la représentation pour constituer la figure. Et c’est alors sur l’idée de corps, de déformation ou d’animalité que Deleuze va continuer son développement.

    Alors, comme on l’a vu le personnage reste flou, du moins sa tête. Deleuze va donc développer cet aspect de la figure, l’idée du corps, de la chair, de la viande ainsi que la tête-viande. Il y a bien une figure qui se résous plutôt à être un matériau, une matière. « Le corps est Figure, non structure » En effet la figure n’est pas en aplat, pas tout à fait, elle n’a pas de visage, pas d’aspect humain. « Le visage humain n’a pas encore trouvé sa face » Le philosophe explique qu’elle n’a qu’une tête comme une partie intégrante du corps. Et se réduit parfois qu’à la tête puisque Bacon est portraitiste d’où ses nombreuses études de portraits (celui de George Dyer ou de Lucian Freud ou Isabel Rawsthorne) On pourrait se dire qu’il manque justement l’idée d’esprit, Deleuze évoque lui un esprit animal comme une façon de défaire le visage et de faire surgir la tête sous le visage. Il remarque qu’il y a l’utilisation de traits animaux grâce aux déformations. Quelles déformations ? En fait la tête est nettoyée, ce qui en reste ce ne sont que les traits d’animalité qui permettent alors de donner un sens à la figure, de donner une individualité et cela sans la figuration. L’homme est remplacé par l’animal, l’animal comme trait. Dans certains tableau la réalité d’un animal apparaît, par exemple un chien traité comme l’ombre de son maître ou que l’ombre de l’homme est l’apparence d’un animale individuel. Par exemple dans « Triptych » de 1976 un trait frémissant d’oiseau qui se vrille sur une chair nettoyé se confronte aux simulacres de portraits-visages qui apparaissent comme « témoin » et non humain. On retrouve aussi le chien dans les études de chiens ou les portraits de « George Dyer with a dog » C’est un peu une métaphore, notre animalité ressort du corps humain. On ne distingue plus l’homme et l’animale et ce n’est même pas une question de mutation, plutôt de déformation de corps par l’esprit. Et au delà de la tête on comprend vite que Bacon s’intéresse à la viande comme état du corps où la chair et les os se confrontent localement. Pourquoi de la viande ? Parce que pour l’artiste ce n’est pas une chair morte mais l’esprit de toutes les souffrances comme l’objet de la pitié. « L’homme qui souffre est de la viande, la bête qui souffre est un homme », ce n’est donc pas de la pitié pour les bêtes. La viande est donc le rapprochement entre l’homme et la bête car tout deux sont de la viande. Dans « painting » de 1946 le rapprochement entre l’homme et la viande est clair. Il identifie ces objets comme horreur ou comme compassion. Cependant il ne cherche pas à évoquer un sentiment. Il est bien question de boucherie, d’abattoirs et l’artiste y voit clairement un lien fort avec la crucifixion. On ne peut pas ignorer l’aspect religieux dans ces tableaux d’où la présence de la figure du pape dans certaine œuvre ou la crucifixion dans « painting ». Pour en revenir, à la tête elle-même, pour Bacon malgré que la tête soit la partie la plus proche des os, c’est le visage qui appartient à l’os pas à la tête c’est donc pourquoi la tête est ainsi désossé mais pourtant pas si molle, tout de même ferme. En fait c’est de la chair, de la viande. Pour résumé, l’artiste fait de la tête un bloc de chair sans orbites. Deleuze appelle cela la tête-viande par laquelle tout le corps tend à s’échapper. On le comprend clairement avec l’œuvre « Velasquez portrait of pope innocent X » de 1953. La structure tend à rejoindre la forme matérielle. Cela ce remarque par l’effort que la figure fait sur elle-même, en fait ce n’est que l’instant d’un effort qui jamais finalement s’échappe, qui jamais disparaît comme une douleur infinie. Car le cri du pape, où tout le corps s’échappe par la bouche n’exprime qu’alors l’idée d’une sensation, et si alors Bacon parles de douleur elle n’est qu’une sensation, non un sentiment, non une représentation.

   Ainsi, Deleuze tente de définir l’idée de sensation. Il  compare l’œuvre de Bacon  à l’abstraction et à la peinture figurative qui n’est que cérébrale c'est-à-dire que le spectateur ne ressent pas l’œuvre, ne la vit pas. Ces dernières arrivent à transformer la forme non à déformer le corps. Le philosophe explique qu’il ya alors un caractère irréductiblement synthétique de la sensation, différents ordre de sensations à partir d’une seule et même sensation. Qu’est ce qui fait la sensation chez Bacon ? L’auteur rejette l’idée qu’elle vient de la figure puisqu’en effet celle-ci se bat contre toute représentation et qu’elle reste absolument neutre. S’il y a quelque chose de sensationnel dans ces figures c’est justement parce que rien de visible n’arrive. L’horreur exprimée ne dépend plus de ce qui est représentée. D’autre part, il rejette aussi l’idée que l’on donne finalement une histoire à la Figure où une âme, l’idée que l’artiste veut exprimer les sensations de la Figures par ce qui est représenté autour. Cependant cela serait de l’ordre du sentiment ce qui ne peut être chez Bacon puisque ce qu’il  exprime est bel et bien « des sensations » et des « instincts ». C’est la recherche de ce qui remplit la chair au moment de sa descente, de sa contraction ou de sa dilatation. La sensation détermine l’instinct ce qui nous fait directement penser à l’instinct animal de nouveau. L’hypothèse du philosophe c’est que la sensation soit des arrêts  ou des instantanés de mouvement même si le mouvement n’explique pas la sensation. En fait c’est un mouvement sur place,  un spasme, l’action sur le corps de forces invisibles qui expliqueraient mieux la provenance des déformations de la Figure.

  Par ailleurs, Deleuze montre qu’il ya une certaine hystérie dans les œuvre de Bacon. Quel est alors sa définition de l’hystérie et pourquoi Bacon l’exprime t’elle ? On a parlé d’une sensation venant du corps, de forces invisibles, d’une sensation vécu mais le corps est encore peu de chose par rapport à une Puissance plus profonde, presque invivable. Le corps de Bacon est sans organes, chair, viande mais loin de l’organisme. La sensation est ici vibration. Ce fameux mouvement inexplicable, ces forces invisibles viendrait de là, de ces spasmes du corps entièrement vivant mais sans organes, corps complètement vibrant attaché mais incontrôlable. La sensation est alors portée sur l’onde nerveuse ou l’émotion vitale .L’hystérie permet d’expliquer la sensation comme réalité. Quand elle est ainsi rapportée sur le corps elle cesse d’être représentative. Ainsi, ces force incontrôlables du corps poussent à l’hystérie c'est-à-dire à celui qui impose sa présence, à l’excès de présence. La présence agit directement comme sensation et rend impossible la représentation. Et si l’on reprend le tableau « d’Innocent X », on remarque que Bacon a hystérisé le pape. En effet, ce n’est pas le cri qui représente l’hystérie, il y a un sourire hystérique et un cri à la fois. Ici ce qui exprime l’hystérie c’est cette chose invisible qui se dresse devant le pape comme exorcisé, toute la sensation amenant le corps à  s’échapper par la bouche. Pour continuer avec l’idée de forces invisibles l’auteur pense que l’art dans tous ces domaines, a pour but de reproduire ou d’inventer des forces c'est-à-dire de les rendre visible. La force a un rapport étroit avec la sensation puisqu’elle s’exerce sur un corps. Mais ce qui est important de comprendre c’est que si la force est la condition de la sensation, elle n’est pourtant pas ce qui est ressentie par la sensation.  Deleuze accumule plusieurs  forces déjà vues au para avant : les forces de l’isolation, la déformation, de dissipation soit la rencontre entre l’aplat et la figure, la force des triptyques qu’ils développent après. En quelque sorte Bacon cherche à rendre visible la vie et le temps, la force du temps.

Pourquoi Bacon fait il des triptyques ? Comme on vient de le voir, déjà le triptyque permet de donner beaucoup plus de forces, et donc beaucoup plus de sensation. Il permet également de donner un rythme, de faire passer la sensation à différents niveaux, de confronter deux sensations, d’accoupler deux figures. Il n’est plus question de vibration mais de résonnance. Il y a un rapport entre les parties séparés mais il n’est ni logique ni narratif. Il n’implique aucune progression. C’est trois instants autonomes qui font n’être en nous l’impression du Temps. Les trois tableaux restent séparés, mais ils ne sont pas isolés ; Le cadre renvoie à l’unité distributive des trois.

Puis, Deleuze poursuit sur l’acte de peindre. Bacon va appeler diagramme les marques, taches de couleurs, touches qui vont venir recouvrir ou effacer les figures. La fonction du diagramme c’est de suggérer, rompre avec la figuration. Cependant elles ne se suffisent pas elle-même, ne constituent pas un fait pictural. Le diagramme ici n’a pas de sens, le peintre se confronte à la matière. Il est un chaos qui a pour but de confronter la matière à la présence.

Pour finir, le philosophe fait une note sur la couleur. Elle aussi est une force. Il y comme on l’a vu des traits rectilignes soit des aplats qui marquent clairement un contour, une sorte de moule tactile. La couleur permet de moduler l’ensemble des éléments, leurs répartitions, et la manière dont chacun agit dans les autres. L’espace des tableaux de Bacon est traversée par de large coulée de couleurs. Cet espace a une masse homogène et fluide dans sa monochromie souvent rompue par des brisants. La situation picturale la plus pure n’apparaît que lorsque l’aplat n’est ni sélectionné, ni limité, ni interrompu. Ainsi c’est dans ces conditions que le tableau atteint un maximum de lumière « comme à l’éternité d’un ton monochrome » L’aplat est une perception temporelle successive. La Figure, elle, est constituée souvent de ton rompus de couleurs de la chair ou de la viande. En fait, ce ton rompu s’oppose presque à l’aplat, il est polychrome : ton éventuellement le même, mais vif, pur ou entier. Souvent les objets, chaise, tapis, lavabo sont une excuse à la couleur et un contour à l’isolation, à la limite que Deleuze appelle pour terminer couleur-contour.

   Pour poursuivre, tous les aspects qui viennent d’être évoquer, le contour, l’isolation, l’anti figuration, le triptyque, la sensation, le cri, la tête-viande …vont être maintenant comparés ou illustrés par d’autres exemples dans l’histoire de l’art, par d’autre artistes, autres œuvres.

Pour commencer, cette couleur-contour, ces aplats qui cherche à isoler peuvent se comparer à la technique du cloisonnisme crée par les impressionnismes. C’est surtout Gauguin qui utilisait cette technique qui se caractérise par des blocs de couleur cernés d’un trait plus foncé. Ce cerne permet de délimiter les aplats de couleur les uns par rapport aux autres. Il permet aussi de mettre en valeur les éléments peints. Il s’oppose au flou impressionniste et tend à une rupture par le fait que l’objet extérieure n’est plus qu’un prétexte. L’espace est déréalisé.

Si l’on prend l’exemple du christ jaune de 1889, on ne peut pas louper ces fameux aplats de couleur jaune. Le christ crucifié est de la même couleur que le champ comme s’il s’y échapper. Et comme pour Bacon la Figure se dissous avec le fond, la matière. Les aplats enlèvent la profondeur, et malgré la représentation de l’espace et du paysage, l’espace parait perdu. Le christ représenté a l’air d’être qu’un prétexte à la crucifixion car le paysage ne fait absolument pas penser à la vraie crucifixion du christ. Gauguin ne supprime pas la figuration mais est le début d’une volonté de rendre à égalité chaque forme, chaque structure, de mettre tout au même plan.  Au niveau des couleurs Gauguin est très lumineux, utilise des couleurs purs, et uniquement purs beaucoup plus que le fait Bacon qui avec ces figures cherche à évoquer les couleurs de la chair avec des tons rompus.

   Ensuite, pour poursuivre avec la comparaison des impressionnistes, on ne peut que assimiler l’œuvre de Bacon à celle de Cézanne puisque en effet lui aussi détruit la perspective et y laisse un espace à deux dimensions. Il rend la réalité par un système de signes, de formes, de couleurs. Il est constructiviste. Comme on l’a vu dans l’autoportrait de 1973 de Bacon, les aplats, les objets prétextes à l’isolation sont des structures verticales tout comme la figure. Si l’on prend « les joueurs de cartes » de Cézanne, on ne peut pas nier que chaque formes, chaque espaces est construit. Il ya deux figures tout aussi verticales qu’une bouteille pour la première fois au centre qui sépare les deux joueurs. Les figures sont l’objet d’une nature morte, l’objet d’une forme et plus réellement d’une représentation. Cézanne peind ce qu’il voit, il ne se souci plus de ce qu’il ya autour. Et comme Bacon il va utiliser la déformation mais seulement pour but de construire son tableau. Mais la déformation chez Bacon agit plus comme une force venant du corps tandis que chez Cézanne elle vient de l’extérieur, des formes. Par exemple, la bouteille, on dirait qu’elle aspire les deux figures, qu’elle les démesure. On remarque très bien que les figures sont totalement étirées allongées pour rejoindre la table. Il les étire comme pour réaliser des formes structurantes, des cônes, des sphères, des cylindres mais jamais des cubes qui rendent la profondeur. Et ses cônes ne se rapprochent t-il pas des aplats de Bacon qui permettent l’isolation ? Pas tout à fait, car le réel but de Cézanne était de trouver des volumes dans ce qu’il y voyait. Mais c’était déjà le début de lutter contre le cliché de toutes données figuratives car cette géométrie que l’artiste tente de parcourir cherche à éliminer les codes de la peinture. En effet, il y a la destruction des coordonnées figuratives. Le corps et sa masse débordent l’organisme et destituent le rapport forme-fond. Les corps sont en déséquilibre, en état de chute perpétuelle ; les plans tombent les uns sur les autres et ne délimitent  plus l’objet. Alors pour arriver à un minimum de ressemblance Cézanne a besoin d’une déformation de ces figures, de les étirer. Il ya tout de même de la profondeur chez Cézanne mais elle est superficielle. C’est ce type de profondeur que Bacon obtient par la jonction de plans verticaux et horizontaux.

   Par ailleurs, l’idée de la figure contre la figuration se confronte à la photographie qui aujourd’hui a pris une place importante dans l’art. En effet quoi de plus de figuratif qu’une photo ? C’est pourtant à partir de photographie que Bacon peind. Cependant l’artiste rejette tous clichés. Ce qui l’intéresse ce sont les photos ratées, les radiographies, la chronophotographie. Tout ce qui peut toucher aux déformations du corps et de l’espace. Pour l’artiste la photo tend à écraser la sensation à un seul niveau. Et si le mouvement du corps chez Muybridge l’intéresse autant c’est parce qu’il amène la sensation a plusieurs niveaux. En effet, la décomposition du mouvement, l’instant de chaque seconde amène à une sensation et à une série de sensations accumulées. Dans les autoportraits  de George Dyer qu’à fait Bacon on ne peut pas nier ce mouvement violent que crée l’artiste avec une tête à 180°. De plus, les aplats, les couleurs, la déformation viennent totalement se confronter à la photographie qui capte tous les détails, toutes les perspectives. La photo que l’on ne peut plus oublier, qui est partout, dans les journaux, où en ville. C’est une certaine imagerie de cliché qui conditionne l’œil, nous confronte à des clichés qu’on ne pas romprent puisque cette accumulation d’images est comme imposer à nos yeux, il est ainsi difficile d’être neutre et d’avoir comme Bacon une vision de tous éléments neutre. Enfin, pour revenir à l’idée de mouvement, même s’il n’est plus de photographie, Comme on l’a vu pour Deleuze la sensation chez Bacon seraient comme des arrêts ou des instantanés de mouvement. Si l’on prend le « nu » de Duchamp, c’est un peu de ça dont il s’agit. Au-delà des formes géométriques, la figures décomposées, déstructurées descend un escalier. Chaque forme géométrique apporte comme une force de l’instant, une force qui exprime la sensation, la sensation du temps et de l’instant. Pour rester, dans l’idée de départ soit l’anti représentation on ne peut pas nier que l’abstraction est un mouvement qui la rejoint. Par un effort spirituel et manuel intense, elle s’élève au dessus des  données figuratives. Et les formes abstraites n’ont plus besoin de se structurées dans un espace précis. Si l’on prend l’expressionisme abstrait, la ligne ne fait pas de contour, ne délimite rien, ni intérieur ni extérieur. Finalement ce n’est plus le tableaux qui donne l’infini qui compte mais l’action de peindre comme puissance manuelle. Plus besoin de représentation, c’est la présence de la peinture elle-même, de la peinture elle-même, la présence du corps de l’artiste, de son geste, de l’instant de peindre. Et si l’on reprend l’idée du diagramme, cette matière chez Bacon ne suffit pas à rendre visible la sensation, pour lui cette matière est juste un moyen de rompre avec la figuration et d’atteindre la sensation. On pourrait dire que l’abstraction est la représentation la plus concrète de la sensation de l’acte de peindre.

Puis, si l’on revient à l’aspect de chair et de viande que Bacon exprime dans ces œuvres, on peut comparer cela à Rembrandt et à Chaïm Soutine. Tout deux, ont peind des crucifixions de chair et de viande : « le bœuf écorché » de Rembrandt et « le lapin écorché » de Soutine. Ainsi, il est clair que la crucifixion apporte une sorte d’émotion vitale, une sorte conscience du corps qui n’est que chair et convoqué à mourir. Chez Rembrandt, la représentation est plutôt mise en avant, on y ressent tout de même une profondeur. Cependant, l’œuvre est ici comme une confrontation. Le regardeur a un statut de témoin de conscience de la mort et du corps viande.  Mais la couleur chair, la structure comme corps sans organes, est la même que chez Bacon. Chez Rembrandt, on ressent peut être plus un sentiment qu’une sensation, soit un certains dégout ou refus de ce que l’on voit. Puis, chez Soutine c’est différent, car la viande le corps a le même statut que le fond, il est comme lier comme s’il n’était plus qu’une forme. La couleur chair, l’aspect de viande est pourtant bien là, mais c’est moins dérangeant comme s’il avait voulu diluer, estomper le corps à l’espace. Cependant ce qui éloigne ces deux œuvres à Bacon c’est que l’on n’y retrouve pas autant cet excès de présence, cette hystérie qui augmente la sensation du corps. De plus, on ne retrouve plus que l’animalité et la mort, tandis que chez Bacon il y a une ambigüité entre l’homme et l’animale, une ambigüité entre le vivant et le mort, entre le mouvement et le statique.

   Mais, pour comparer réellement la logique de la sensation de Bacon, qui se ressent par l’extraction d’une force intérieure invisible poussant le corps à se fondre, à vibrer, éjecter comme un cri, il y a également le cri de d’Éduard Munch. En effet, lui aussi utilise le cri comme moyen d’exprimer un malaise intérieure, une force intérieure poussant le corps dans tout l’espace. La tête apparaît comme une tête de mort ce qui n’est pas le cas chez Bacon puisqu’elle est désossée. Et la déformation du corps emporte tout l’espace, comme si la bouche ouverte dégagée une forme, un espace, une force. Chez Munch il est bien question d’émotion, de peur, de crainte mais aussi de sensation puisque cette peur, cette crainte apporte une douleur, une sensation. Mais, c’est vraiment le sentiment qui domine, il n’est pas question de spasmes, il y a bien une réalité, une conscience. Et le cri, chez Munch comme chez Bacon tant à être entendu. Nous avons la représentation d’un cri, c’est comme rendre visible le son de ce cri, il n’y pas de son pourtant. Mais l’espace donnée à cette force nous tend à cette sensation qu’est ouïe.

  Pour terminer et pour conclure il ya aujourd’hui dans l’art contemporain des moyens plus concret et plus expérimentale de créer la sensation, de la vivre. Effectivement c’est le cas de la performance et des installations. La performance permet à l’artiste d’utiliser son propre corps, de le confronter, de le limiter. Il est donc toujours question du corps en action. La présence d’un corps peut-il rendre visible une sensation ? Quand Gina Pane s’entaille les avants bras n’est il pas question de douleur ? De sensation ? Le spectateur n’est il pas là comme témoin et avec empathie ? Puis les installations, purs lieux d’expérimentations sont alors également des œuvres qui permettent la sensation aux spectateurs. Que ce soit des installations lumineuses, spatiales, elles permettent de vivre l’instant, non figé cependant. Mais, elles tendent aux divers sens du corps dans un espace donné et direct. Ainsi, Francis Bacon reste lui dans l’espace de sa toile, mais la sensation reste elle, éternellement figée.

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Commentaires
Z
" C’est trois instants autonomes qui font n’être en nous l’impression du Temps ... "<br /> <br /> <br /> <br /> Wou - ha - hou.
P
(juste quelques fautes d'orthographe)
P
Oui, superbement écrit. J'aimerais vous citer mais je ne vois pas votre nom. Je suis arrivée directement sur ce bel article en tapant Bacon et Deleuze sur Google.<br /> <br /> si vous pouvez me le faire savoir ? <br /> <br /> Merci,<br /> <br /> Isabelle Delmont
L
Ton analyse est eclairante, ce livre est difficile et je pense que tu as compris beaucoup de choses. Merci pour ce travail synthetique !
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